Puissance des amplis

Quelle puissance d’amplificateur pour les enceintes acoustiques destinées à une écoute de haut niveau ?

 

1. Un amplificateur trop peu puissant produit beaucoup d’effets secondaires :
Aussi paradoxal que cela puisse vous paraître, plus de 85% des dégâts occasionnés aux haut-parleurs proviennent d’un manque de puissance au niveau de l’amplificateur. L’utilisateur ne comprend pas comment un amplificateur peut «brûler» les composants d’une enceinte de qualité, alors qu’il lui a été dit (dans diverses littératures) que ces HP. de qualité peuvent supporter d’énormes surcharges et peuvent aussi délivrer de la musique à forte puissance avec un signal d’entrée faible. Tous ces compte-rendus, qu’ils proviennent de l’une ou l’autre marque, sont le reflet de la vérité. Mais pourvoir un amplificateur avec un signal n’est pas le surpiloter (suralimenter). Pour comprendre cela plus clairement, il est nécessaire de comprendre la nature de la musique, son rapport avec l’ampli de puissance et la distorsion.

 

2. La nature de la musique :
Aucune note musicale n’est créée de la même façon. Il y a beaucoup plus de puissance consommée pour reproduire le registre grave que pour rendre, dans un même équilibre, les registres médium et aigu. L’énergie contenue dans les fréquences aïgues est typiquement de 10 à 20 dB plus bas que celle des basses et médium. Le système haute-fréquence d’une enceinte acoustique est appelé à supporter moins d’un quinzième de la puissance de ce que les composants basses peuvent supporter. Cette distribution naturelle de l’énergie musicale travaille à notre avantage. Cela veut dire que un HP. grave capable de supporter 300 W. (puissance moyenne : produit de la tension efficace par le courant efficace) (en anglais : Average Power) devrait avoir une unité haute fréquence capable de supporter une puissance de 20 W. «Nous estimons qu’il n’est pas superflu de prévoir le double».

 

3. Nature de la puissance amplifiée :
Les caractéristiques d’une puissance de sortie (OUTPUT) d’un amplificateur ne sont pas absolues. Lorsque le réglage de volume est trop poussé, lorsque le signal d’entrée (INPUT) est trop grand, l’amplificateur peut alors dépasser son niveau de sortie. Vous comprendrez dès lors que ce dépassement de la puissance nominale (puissance où se produit l’écrêtage) amène des distorsions préjudiciables à tout système de HP. La puissance de sortie d’un amplificateur est donnée proportionnellement en faisant référence à un certain niveau de distorsion totale par hamoniques (THD). Un amplificateur de 10 W. de sortie (de 20 à 20.000 Hz) sous 8 Ohms ayant moins de 0,5% de distorsion pourrait être piloté pour produire plus de 20 W. Dans ces mêmes conditions un amplificateur de 50 W. pourrait être surchargé (piloté) pour délivrer 100 W. Comme nous allons le voir, la distorsion de sortie se trouve dangereuse pour les HP. aigus, ou moteurs haute-fréquence (tweeters). La plupart des amplificateurs comportent des circuits limitant le courant de sortie pour protéger les transistors en aval. Quand ces circuits sont exités, notamment aux fréquences inférieures et aux charges réactives, un fort courant transitoire en haute-fréquence peut se produire et parvenir aux HP.; de même, un amplificateur limité ne peut manquer, par définition, de produire des quantités considérables d’harmoniques d’ordre impair. On comprend alors qu’une impulsion basse-fréquence limitée puisse faire sauter des membranes haute-fréquence, spécialement si le système n’est pas bi-amplifié. Tout ceci montre l’importance considérable de la prise en ligne de compte, dès le départ, des valeurs de crête dans la conception et dans l’utilisation des systèmes susceptibles de subir de tels signaux.

 

4. La distorsion affecte les moteurs haute-fréquence (tweeters)
La puissance créée en utilisant mal un amplificateur est nette en fréquences hamoniques qui sont particulièrement dangereuses pour les moteurs haute-fréquence.
Les harmoniques sont les fréquences supérieures multiples du signal original. C’est pourquoi les composants haute-fréquence d’un système de HP. doivent supporter l’attaque de la distorsion même si le signal original a été produit par un instrument créant des notes basses. Quand un signal sinusoïdal d’essai (signal représentant une fréquence fondamentale sans ses octaves et harmoniques) est placé sur l’écran d’un oscilloscope, ses sommets et creux doivent normalement présenter des contours (profils) ronds. La puissance de sortie moyenne (Average Output) est égale à la moitié de la puissance de sortie en crêtes (Peak). Lorsqu’un amplificateur est surchargé, le profil de la courbe est rogné (raboté) produisant une nouvelle sinusoïde, qui a des surfaces plates au sommet et au creux, dans laquelle la puissance moyenne se rapproche de la puissance d’écrêtage. Quand cela apparaît (deux fois plus fort que la valeur qui était estimée à la sortie de l’ampli) les moteurs haute-fréquence ne sont plus capables de supporter cette charge anormale. Un amplificateur ayant une puissance plus élevée peut produire le niveau de puissance désiré sans que les pointes et les creux de la courbe ne soient écrasés (sans écrêtage) permettant ainsi au système de haut-parleurs de recevoir une distribution normale des niveaux d’énergie dans chaque HP. Sous ces conditions, tout en obtenant une pression acoustique plus élevée, il n’y a aucun dommage causé au système de HP. Et en particulier aux moteurs haute-fréquence.

 

………………………………………………………………………………………………………………………..

 

Test réalisé sur enceinte Monitor Sono I Will Audio (en fonction musicale) :

 

a) Caractéristiques de l’enceinte : réseau répartiteur (CrossOver Network) passif 12 dB/oct.; 200 W. ; type reflex; bande passante : 35 Hz à 18 Khz.

 

b) Composants : 2 voies : Woofer 2205 JBL; Médium – Tweeter : moteur 2420 JBL.

 

c) Amplificateurs: 1. Crown M 600 : 600 W. Sous 8 Ohms – Bloc mono (X2)
2. Marque X : 150 W. Sous 8 Ohms (par canal)

 

Résultats :

a) Marque X : – Utilisation au max. des possibilités (Peak) : pression acoustique obtenue : 110 dB à 3 M. – constante avec des pointes de 115 dB.

– Utilisation au niveau d’écretage (au-delà du max.), fusibles renforcés, pression acoustique à peine supérieure (amélioration superficielle)

– Après une dizaine de minutes d’utilisation, destruction de l’équipage mobile du moteur 2420 JBL. En poursuivant les essais sans tenir compte de l’absence des fréquences élevées, il est à noter que le HP. basse n’a pratiquement pas subi de dommages. Par contre l’amplificateur s’est arrêté de sa « belle mort »

 

b) Crown M.600 : Malgré une utilisation continue, avec une puissance constante de 300 W, et des pointes dépassant les 500 W., nous avons obtenu une pression acoustique (en fonction musicale) dépassant les 120 dB à 3 M. Et ce avec une qualité sonore exceptionnelle. Bien qu’elle lui soit très supérieure, cette pression acoustique est de loin plus supportable à l’écoute que celle obtenue au test précédent. Après 15 min. d’utilisation, aucun dommage n’a été constaté ni à l’enceinte ni à l’ampli. Le recours aux fusibles, redresseurs au silicium et/ou diodes Zener a été souvent proposé pour la protection des transducteurs contre les surcharges. Toutefois, si on adopte des fusibles, on risque de les voir sauter sous l’effet de transitoires de courte durée qui ne sont pas dangereux, d’autre part, les redresseurs et les diodes Zener établissent un court-circuit momentané à la sortie de l’amplificateur lorsqu’ils sont conducteurs, ce qui a pour effet de déformer le signal et de soulever des difficultés dans certains cas.

 

Que peut faire l’utilisateur ?

 

A défaut de posséder du matériel de contrôle, il n’y a pas de règle précise. Toutefois, la majorité des amplificateurs de sonorisation sont équipés de vu-mètres capables d’indiquer le moment où l’ampli est suralimenté, point à partir duquel on endommagera n’importe quel système de HP.

 

Ci-dessous quelles lignes à suivre pour vous guider :

 

a) Acquérir un amplificateur qui peut produire plus de puissance que vous n’en avez besoin. Souvenez-vous qu’un HP. peut demander plus de dix fois le niveau moyen de puissance pour certains éclats sonores passagers de courte durée. Un amplificateur de puissance donnera des sons clairs et secs. Un ampli insuffisant n’a pas assez de réserve, et les passages sonores seront pâteux et lourds. De plus, forcé de dépasser ses possibilités d’origine (de fabrication) il produit des niveaux de puissance dangereux qui sont riches en distorsion dans les hautes fréquences.

 

b) Ne pas piloter un amplificateur jusqu’à écrêtage (clipping). Les sons produits par le clipping ressemblent généralement à une point de lecture de phonolecteur sautant hors du sillon. Si ce phénomène de clipping apparaît régulièrement, baisser le volume de l’amplificateur ou installer un ampli plus puissant.

 

c) Ne rien connecter ou débrancher à l’amplificateur lorsque celui-ci est allumé. Cela peut produire momentanément des bourdonnements sourds qui, à haute puissance, peuvent détruire les bobinages des HP.

 

d) Lors du bobinage ou lors de l’avance rapide sur un enregistreur, si celui-ci ne possède pas d’écarteur de bande (par rapport aux têtes), baissez le volume pour éviter les sifflements aigus. Ceux-ci peuvent détruire les moteurs haute-fréquence. Il est également prudent de ne pas laisser le volume au max. lorsqu’on manipule le bras de lecture phonographique.

 

e) Faire fonctionner une installation trop fort, en produisant notamment des notes basses en puissance max., amène facilement un ampli a dépasser ses possibilités. Souvenez-vous qu’une augmentation de 3 dB dans le volume (juste perceptible à l’oreille) demande une puissance double à l’amplificateur, alors que beaucoup de correcteurs de réponse sont capables de donner une augmentation de 15 dB.

 

Conclusion :

 

Nous construisons avec un facteur de sécurité de 100 % en choisissant judicieusement les unités haute-fréquence et leur cross over de manière à garantir la fiabilité de l’ensemble d’un système de HP.
Nos cross over sont conçus et étudiés en fonction du but recherché : la puissance et l’équilibre. Malgré cela quelle que soit la qualité des systèmes de HP. Proposés, nul n’est à l’abri d’une mauvaise utilisation.
Tant chez nous que chez nos confrères Harman Belgium avec qui nous avons effectué de nombreux tests, les mêmes doléances reviennent : comment ne plus déteriorer les HP. aigus ? (heureusement c’est l’éternelle question d’une minorité). Les utilisateurs, pratiquement sans exception, ne possèdent pas d’amplificateur assez puissant pour piloter le haut de gamme dans le domaine de l’enceinte acoustique.

Bref que faire ? … Changer d’amplificateur ou baisser le volume. W.P.

 

Cet article a été écrit il y a plus de 30 ans,
paru en 1979 dans la Revue du Son Panaudio,
vu l’évolution des puissances d’ampli
s’il est moins d’actualité il est toujours pertinent.